La raison pour laquelle Katherine se trouvait à Bâton-Rouge lui échappait, même à elle. Elle devait trouver quelque chose pour Adam, oui, et elle savait ce qu’était cette chose. Mais ce que son créateur allait en faire ne faisait pas partie des connaissances qu’elle avait. Alors, soit. Elle aurait préféré savoir pour quelle raison elle se trouvait dans cette ville, mais elle allait faire avec. Déambulant dans les rues, avec une longue robe à volants noire et un corset si serré qu’elle n’aurait pas pu respirer si elle avait eu à le faire, la Russe jouait avec les boucles dans ses cheveux en se mouvant sans réel but. Comme une gamine à qui ont aurait demandé de ranger sa chambre, elle portait sur son visage une moue boudeuse qui ne faisait qu’accentuer un peu plus son regard teinté de cette douce folie qu’elle trainait depuis des siècles. Elle avait l’air d’une femme-enfant dérangée et dérangeante et les rares badauds qu’elle croisait ne restaient pas très longtemps en sa compagnie. Les petits talons de ses bottines claquaient sur le bitume, emplissant l’air d’un bruit sec et régulier. En somme, elle s’ennuyait. Et s’ennuyer était une chose que Katherine détestait. La procrastination n’était pas particulièrement son activité favorite, loin de là même. Sans aller dans l’hyperactivité, disons que la Russe n’était pas le genre à se laisser vivre et à attendre sagement que ses nuits passent. Elle voulait un peu d’amusement. Un peu d’action. Juste de quoi la faire sourire. Les battements d’un cœur la frappèrent, et aiguisèrent son instinct de chasse. Elle n’avait pas faim ; elle s’était gavée sur le chemin d’une délicieuse jeune femme dont la peur avait scintillée au fond de son regard. Non, elle voulait simplement jouer. Devenir le chat, et chasser la petite souris.  

Elle s’élança, à pleine vitesse, vers les battements de cœur, n’écoutant rien d’autre que son envie de s’amuser. Elle se rapprocha, mais se stoppa tout aussi vite. Le cœur était en train de s’arrêter, la vie de cet humain était en train de lui échapper. Qui donc osait lui prendre son jouet ? Et où est-ce qu’elle allait en trouver un autre ? Les rues étaient presque désertes, les humains joyeusement emmitouflés dans des couvertures et probablement avachis devant des téléviseurs… Et eux, pauvres vampires, étaient condamnés à se prendre de vitesse pour espérer manger. Elle ferma les yeux, en se mordant l’intérieur de la joue si fort qu’un petit goût métallique se répandit dans sa bouche. Ne pas s’énerver. Ne pas s’énerver. Ne pas s’énerver. Lorsqu’elle rouvrit les yeux pour se rapprocher, ce fut devant une vampire aux cheveux de feu et au visage d’ange que Katherine se retrouva. La Russe ne pu retenir un rire d’une froideur à en faire pâlir un mort, ironique et moqueur, face aux propos de l’autre vampire. Navrée ? Elle n’y croyait pas une seule seconde. « Tu es douée pour la chasse, pas pour le mensonge. » lâcha la Russe en faisant claquer sa langue contre son palais avant de montrer le cadavre d’un air particulièrement dédaigneux. « Je me fiche de cette proie. Ce n’était qu’un jeu. Il faut apprendre à partager, après tout, n’est-ce pas ? » Un nouveau rire s’échappa de la gorge de Katherine, amusé cette fois et presque enjoué, avant qu’elle ne tende la main à celle qui lui avait volé sa proie. « Katherine Elizabeth Devinsky. Et qui donc est celle qui a osé voler mon petit jouet ? » Elle garda les yeux rivés sur son interlocutrice. Katherine qui faisait dans le social ? Cela pouvait arriver, surtout face à un autre vampire…