Durant des semaines, elle avait vécu dans la peur. Cette peur intense d’être capturée, enfermée dans des camps sur lesquels circulaient des rumeurs toutes plus atroces les unes que les autres. Elle avait dû fuir l’appartement d’Henry, où elle s’était pourtant toujours sentie en sécurité. Mais si les vampires ne pouvaient pas y pénétrer, ce n’était pas le cas d’humains armés et prêts à tout pour les capturer. Qu’avaient-ils faits, tous ? Elle n’avait cherché qu’à se mêler aux humains, à vivre normalement. Elle ne comprenait toujours pas. Qu’elle ne soit pas capturée avait été un véritable miracle. Elle n’aurait sans doute pu y arriver sans Rose. Si on lui avait un jour dit qu’elle devrait sa vie à une vampire, elle ne l’aurait pas cru. Ceci dit, elle n’aurait jamais cru non plus être un jour la cible d’humains qui voudraient l’enfermer. Elle n’avait jamais eu si peur que pendant ces semaines de fuite. Il fallait être sur ses gardes, sans arrêt, et si sa compagne n’avait pas été là, elle aurait sans doute été dévorée par les vampires qui passaient.

Et il y avait Henry. Henry qu’elle n’avait jamais pu oublier, pas même une seconde tant il lui avait manqué. Dans les premiers temps, elle avait voulu à tout prix le retrouver, avant de réaliser tout ce que cela aurait de dangereux pour lui : elle était une cible désormais, et s’il était avec elle, il risquait d’être arrêté aussi, voire pire. Elle aurait en revanche voulu le contacter, lui faire savoir qu’elle allait bien et qu’elle était en vie mais n’avait pas réussi tant c’était risqué. Le seul endroit où elle savait pouvoir le joindre était son appartement et elle avait eu peur qu’il soit surveillé. Elle avait cependant gardé l’espoir de le revoir, de le retrouver, enfin.

Puis, les événements avaient pris fin. On ne parlait que de ça, partout. Elles avaient attendu, n’osant y croire. Mais il semblait que c’était bel et bien vrai. Ils étaient libres, tous. Elle pouvait rentrer chez elle. Le revoir. Elle avait eu beaucoup de mal à y croire après ce temps qui lui avait paru infini. Elle avait fait au plus vite afin de rejoindre la ville, et une fois arrivée courut jusqu’à l’immeuble d’Henry, fébrile. Y était-il seulement ? Peu importe, elle l’attendrait, en espérant que rien de grave ne lui soit arrivé. Elle y était presque. Mais alors qu’elle venait d’ouvrir la porte de l’immeuble, elle fut interpellée par un homme. Elle avait du mal à le percevoir dans la pénombre, mais elle comprit rapidement qu’il était blessé et se précipita vers lui.

« Mais vous êtes blessé ! Que s’est-il passé ? »

Elle ne voyait pas la blessure cicatriser à cause du sang sur ses vêtements. En revanche, alors qu’elle était tout près de lui, soudain, quelque chose la frappa. Elle ne pouvait pas lire dans ses pensées. Elle releva la tête et le regarda, les yeux écarquillés, soudain prise d’un mauvais pressentiment. Elle commença lentement à reculer, avant de tenter d’entrer dans l’immeuble.

Elle savait. Oui, elle sentait qu’elle allait avoir de sérieux ennuis. Et encore, elle n’imaginait pas à quel point. Peut-être cesserait-il rapidement de s’intéresser à elle. Il suffit qu’elle rentre dans l’immeuble, qu’elle se réfugie dans l’appartement d’Henry. Une fois qu’elle y serait, il ne pourrait plus rien contre elle. Elle n’envisageait pas un instant qu’il la veuille, elle. Mais avant qu’elle ait pu se mettre en sécurité, il était sur elle, l’enserrant de ses bras. Elle poussa un cri et immédiatement, la peur monta en elle. Elle tenta de se débattre, mais toute tentative était inutile face à la force surnaturelle du vampire. Nouvelle arrivante dans ce monde, elle ne comprit ni la référence littéraire, ni l’expression allemande. Elle comprenait seulement qu’elle allait très probablement perdre la vie.

« Lâchez-moi ! Laissez-moi partir ! »

Sa respiration s’accélérait, haletante. Ses supplications étaient inutiles. Elle ne comprenait pas ce qu’il disait, ce qu’il voulait et c’était peut-être là le pire. Elle fondit en larmes en entendant le son de ses crocs se dévoiler. Il allait réellement la tuer. Il n’y avait personne aux alentours pour lui venir en aide. Il était particulièrement fort, elle n’arrivait pas à bouger et tremblait de tous ses membres. « Je vous en prie... » Mais elle n’eut pas l’occasion de poursuivre plus loin. A sa plus grande surprise, ce ne fut pas sa gorge qui fut victime de ses crocs, mais sa main, ce qui provoqua en elle à peine une exclamation de douleur. Mais l’horreur fut grande lorsqu’il la contraignit à laisser une trace sur le mur, près de la porte. Elle songea qu’Henry la trouverait peut-être. Qu’allait-il se passer ? Que voulait-il ? La peur monta en elle, si fort qu’elle se transmit jusqu’à ses mains dans lesquelles la lumière apparut.

« Lâchez- moi ! » Répéta-t-elle, en criant cette fois-ci.

Puis, profitant de l’effet de surprise, elle pointa ses mains en direction du vampire sur lequel sa lumière s’abattit. Profitant alors de l’occasion qui lui était donnée, elle s’enfuit en courant, droit devant elle, espérant gagner du temps. Mais l’obscurité et sa faible connaissance des environs ne jouaient pas en sa faveur. Les rues semblaient désertes, il n’y avait absolument personne, pas une âme pour se porter à son secours. La panique la desservait également. Il n’était pas loin, il ne tarderait pas à la retrouver. Mais alors, qu’allait-il lui faire subir ?  

Elle agissait comme un petit animal piégé. Elle ne savait ni quoi faire, ni où aller. Elle ne réfléchissait plus à vrai dire. La terreur l’avait entièrement emplie. Ce n’était plus qu’à elle qu’elle obéissait. Quelques minutes auparavant, elle n’avait songé qu’au bonheur de retrouver Henry après tout ce temps où elle avait été séparée de lui. Mais à présent... A présent, elle ne pensait plus qu’à sa survie en sachant pourtant, non, en sentant dans tout son être qu’elle allait être attrapée. Elle n’était qu’une distraction avec laquelle il jouait, elle s’en rendait compte mais elle ne pouvait le réaliser en cet instant. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était courir, tenter de lui échapper.

Elle espérait avoir gagné du temps en usant de sa lumière contre lui. Elle avait réussi à le repousser, mais qui sait combien de temps il lui faudrait avant de se relever ? Malheureusement, pas assez de temps. En le voyant réapparaître soudainement, elle poussa un cri. L’entendre chanter, comme s’il s’amusait, ne faisait que la torturer, accentuer encore sa peur. Elle ne cessait plus de pleurer, son visage déformé par le désespoir. A chaque instant elle s’attendait à ce qu’il se jette sur elle et la dévore. Ce qu’il ne faisait pas. En un sens, c’était bien pire. Il l’annonçait, la laissait anticiper, sans lui laisser le moindre répit.

« Mais qu’est-ce que vous voulez ? Qu’est-ce que vous voulez ? » finit-elle par crier.

Elle se remit à courir. Il fallait qu’elle se calme, qu’elle s’en sorte. Elle ne pouvait pas continuer ainsi. La peur ne faisait que l’empoisonner. Elle allait perdre. Elle courait, de manière désorganisée, cherchant une issue, un moyen de lui échapper. Elle regardait partout autour d’elle, et c’est alors qu’elle tomba dans une ruelle, où se situait une rangée d’immeuble. Elle se mit à frapper frénétiquement sur la première porte d’entrée.

« A l’aide ! A l’aide ! »

Elle continua de crier, encore et encore, prête à réveiller tout le quartier s’il le fallait. Elle avait besoin d’aide, besoin de quelqu’un qui accepte de l’aider à se réfugier chez lui. Une demeure occupée par des humains serait le seul endroit où elle pourrait être en sécurité.  

Obtenir de l’aide était son unique espoir. Sa lumière n’avait pas l’air d’avoir de réel effet sur lui, si ce n’est de le ralentir, mais trop peu malheureusement pour qu’elle ait la possibilité de prendre une réelle avance. Elle n’était plus qu’une proie. Un petit animal à sa merci, qui fuyait, s’agitait de manière totalement inutile. Il avait le dessus, il jouait, un jeu auquel elle avait perdu d’avance. Il fallait qu’elle réussisse à attirer l’attention sur elle. Elle espérait que des humains seraient suffisamment courageux pour voler à son secours, ou même qu’une patrouille finirait par l’entendre. Alors, elle continuait à s’échiner, à pleins poumons.

« A l’aide ! S’il vous plait ! »

Elle continua de hurler, tentant également de couvrir les paroles de sa cruelle chanson qu’elle pouvait entendre encore. Elle ne se sentait plus qu’une petite chose perdue et tremblante. Elle allait mourir. Elle le savait. A moins qu’un miracle se produise. A moins qu’elle réussisse finalement à trouver du secours, quelqu’un susceptible d’impressionner suffisamment le vampire pour qu’il abandonne la partie. Elle ne vit pas qu’il avait dangereusement approché. Il l’attrapa et avant même qu’elle ait pu faire quoi que ce soit pour se défendre, elle reçut un coup, et sombra dans l’inconscience.

La première chose qu’elle ressentit fut un terrible mal de crâne. Quoiqu’il n’y avait pas que cela : le reste de ses membres également la faisait souffrir, comme si son corps tout entier était terriblement courbaturé. Elle avait froid également et frissonna, puis, ouvrit les yeux. C’est là qu’elle aperçut le vampire qui l’avait agressée. Mais lorsqu’elle tenta de bouger, elle sentit qu’elle ne le pouvait pas et baissa les yeux sur les liens qui l’entravaient. Paniquée, elle regarda autour d’elle en essayant de se détacher, bien sûr sans y parvenir. En désespoir de cause, elle se tourna vers son bourreau.

« Qu’est-ce que vous me voulez ? Est-ce que... est-ce que vous allez me tuer ? »

Plus elle y songeait, plus elle réalisait toute l’horreur de sa situation. Personne ne savait où elle était. Ni Henry, ni même Rose. Elle-même ne savait pas où elle était. On aurait dit une sorte de cabane, mais en dehors de ça elle aurait été bien incapable de se localiser. S’il décidait de la tuer, les gens qu’elle aimait sauraient-ils un jour ce qui lui était arrivé ? Non, tout mais pas ça ! Sans prévenir, d’un coup, elle se mit à hurler de nouveau, espérant que quelqu’un l’entendrait.

« A L’AIDE ! A L’AIDE ! »