Un soupir s'échappe d'entre les lèvres roses de Jules. Cela fait une demi-heure qu'elle attend devant le Fangtasia, alors qu'elle y est arrivée dès la tombée de la nuit. Elle avait tout prévu pour cette soirée qu'elle attendait depuis plusieurs jours. Profitant des fenêtres teintées de Celia, elle s'était réveillée plus tôt et, bien qu'affaiblie par la présence du soleil au dessus d'elle, elle avait commencé à se préparer. Sa colocataire dormait ailleurs ce jour-là, en tournée pour un grand événement dont elle ignorait tout, aussi se permit-elle de fouiller dans ses affaires. Mais, comme souvent, elle préféra sa propre garde-robe, se sentant mal à l'aise dans les merveilleux habits de la belle brune. Elle avait enfilé une ravissante robe bleu nuit moulante, qui s'arrêtait au milieu de ses cuisses, des bottines à talons noires et sa plus jolie culotte en dentelle noire. Puis elle avait enfilé des boucles d'oreilles pendantes en reperçant ses lobes, les trous qu'elle avait depuis l'enfance s'étant refermés lorsqu'elle avait été transformée, plusieurs bagues fines et rafinées, et une chaine fine agrémenté d'une goutte de nacre en pendentif. Mais désormais, elle ne se sentait plus belle et attirante. Son anorexie avait peut-être disparue quand son vampirisme avait fait jour, mais ses complexes étaient toujours présents, bien que cachés. Et l'attente d'une demi-heure, dans la grisaille de Shreveport, sapait totalement sa confiance en elle. Elle se pencha vers le début de la file, aperçut le videur qu'elle connaissait vaguement, lui sourit hypocritement avant de se redresser et de croiser les bras.
Son attention fut captée par le battement sourd d'un cœur humain dans une poitrine enserrée par le stress. En se concentrant, elle identifia son propriétaire : une jolie fille, maigrichonne, aux longs cheveux tombants, habillée de noir, chaussée de plateformes à piques. Tout de suite, Jules comprit que c'était sa première fois au Fangtasia. Elle approchait dangereusement de l'entrée et hésitait finalement à franchir le pas. Elle devait même songer sérieusement à prendre ses jambes à son cou. Un sourire malsain déforma le visage poupin de la blondinette et, en une seconde, elle fut à côté de l'humaine. Elle l'hypnotisa rapidement, lui conseillant de ne pas protester. Son attente venait à la fois de se raccourcir et de devenir bien plus amusante. Jusqu'à ce que son regard se lève pour rencontrer le visage aggressif du videur, elle fit la discussion à la brunette, qui s'appelait Lola mais préfèrait Lolita. Elle était réellement contente d'avoir de la compagnie : c'était ce qu'il lui manquait pour parfaire sa soirée. A tel point qu'elle lacha un baiser sur la joue du grognon qui leur ouvrit la porte avant de disparaître dans la boîte avec son probable repas du soir.
Après lui avoir payé un verre – elle avait choisi un shot de vodka, très mauvais départ selon elle mais elle ne fit aucun commentaire – elle tira la pseudo-punkette sur la piste de dance. Malgré les basses rapides qui électrifiaient les clients du bar, Jules se colla contre sa demoiselle et entama un drôle de slow. Lolita était terriblement mal à l'aise, maladroite et rigide comme un balais. Le corps de couleuvre de la vampire ondulait contre le sien, et elle déposait de petits baisers dans son cou. Le cœur tremblant. La veine palpitante. La sueur dans la nuque. S'étant suffisemment amusée, la blonde se décolla de la brindille qui lui faisait face et lui adressa un sourire lumineux. « Appelle-moi si tu as un souci avec qui que ce soit, je suis dans le coin. » Et elle disparut au milieu de la foule. Elle commanda un cocktail frais et s'assit sur un tabouret en observant la piste. Elle repéra rapidement Lolita, prise en sandwich entre deux vampires aux regards vicieux. Elle décida cependant de ne pas intervenir pour l'instant. Elle voulait aussi que la jeune fille puisse profiter de la soirée à sa manière, qu'elle vive cette première expérience avec la conscience du danger constant dans lequel elle s'était jetée. Gardant son attention partiellement sur la brunette, elle profitait également de l'ambiance générale et du spectacle qu'offraient les danseurs sur les socles surélevés au milieu de la pièce. Elle se faufila dans la foule et se mit à danser librement parmi ses semblables, jusqu'à ce que son dos heurte celui de quelqu'un d'autre. Elle se retourna et fronça les sourcils. Elle la connaissait. C'était Rose. Mais quelque chose avait changé. Heyy Jules! Sympa de te voir ici... comment tu vas? Jules lui jeta un drôle de regard, l'observant des pieds à la tête. Elle sourit : « Salut Rose.. » Elle tendit l'oreille. Elle avait mis le doigt dessus.
Le cœur de Rose ne battait plus. Son sang ne circulait plus naturellement dans ses veines.
« Il s'en est passé des choses, depuis la dernière fois, hein ? » lança-t-elle en tapant maladroitement l'épaule de la rouquine. Elle craignait d'en apprendre davantage. C'était forcément en lien avec Sullivan ou John. Second soupir de la soirée.

Ouais, aucun doute... Loin de ce que j'avais prévu, mais bon, on doit faire avec il paraît! Un sourire tord les lèvres de Jules à cette réponse. Elle laisse tomber le sujet, se doutant bien que si Rose ne s'attarde pas sur les explications, c'est qu'elle n'a pas envie d'en parler. Elle continue à remuer vaguement, suivant le rythme qui l'entoure plutôt que de rester plantée au beau milieu d'une foule en délire, tel un piquet dérangeant. Qu'est-ce que tu deviens depuis la dernière fois? Ah tiens, la voilà qui détourne carrément la conversation dans l'autre sens. Un sourire étire les lèvres de la blondinette qui répond en quelques mots. Après tout, en ce moment, sa vie n'est pas des plus passionantes, et elle doit bien avouer qu'il ne s'y passe pas des masses d'événements intéressants. « J'ai trouvé un nouveau petit boulot dans un espèce d'hôtel pour vampires, mais l'endroit a fermé peu après. Sinon, pas grand chose ! » Elle songe un instant à Célia. Elle ignore où elle se trouve en ce moment. Son amie disparaît régulièrement en tournée professionnelle ou en road-trip personnels, et il lui arrive parfois de ne pas donner de nouvelles pendant plusieurs semaines. Jules le lui a déjà reproché à de nombreuses reprises, mais la brune n'en fait qu'à sa tête et sourit tendrement quand sa progéniture de substitution réclame plus de nouvelles. Il faut bien avouer qu'elle n'aime pas ne pas avoir la vampire à ses côtés. Elle se sent tout de suite moins en sécurité, moins en confiance, même par rapport à elle-même et aux limites qu'elle s'impose. Elle sait que Célia joue un rôle certain dans son régime strict et il lui arrive de craindre ce qui arriverait si elle la laissait trop longtemps. Il est vrai qu'elle fait partie des vampires qui ont le plus de facilités à se contrôler, mais elle reste un prédateur. Le sang qui coule dans les veines des humains reste une gourmandise attirante.
T'es super sexy ce soir! Danse avec moi! Joignant le geste à la parole, la rouquine s'est remise à danser, ondulant son corps de sirène contre celui de Jules. Cette dernière ne peut s'empêcher de sourire avec amusement. Il semblerait que le vampirisme a donné une nouvelle confiance à la demoiselle. Quoi qu'à son souvenir, elle était déjà aventureuse quand son cœur battait fébrilement dans sa poitrine. Elle hoche simplement de la tête, et joint son corps aux ondulations de Rose. Elles sont collées. La blonde se mord doucement la lèvre inférieure tandis que ses bras enlacent doucement le corps de la nouvelle vampire. Malgré l'odeur de maquillage qui accompagne la demoiselle, elle est assez attirante, elle aussi. Sa mini-jupe, rigide de part sa matière, ne suit pas tout à fait les mouvements dansants de son corps, découvrant par moment sa peau plus qu'elle ne pourrait le vouloir. C'est terriblement mignon. Dans son oreille, Jules murmure : « T'es pas mal non plus. » C'est sussurré plus que dit, si bas qu'elle seule peut l'avoir entendu, malgré les dizaines d'oreilles surnaturelles qui les entourent. Cela donne l'impression d'une douceur sans pareille, qui n'étonne pas venant de la poupée aux cheveux d'or. Pourtant, tandis que la musique accélère encore, elle se serre davantage contre la jeune vampire et continue les mouvements lassifs qu'elles ont entamé. Son attitude contraste en tout avec la douceur de ses paroles. Elle veut jouer ? Elle va jouer. Jules sent son corps se crisper de tension. Ce soir, il lui en faut peu. Il semblerait qu'elle démarre au quart de tour.
Mais ce ne serait pas drôle. Aussi Barbie se décolle-t-elle brusquement de sa compagne et la tire-t-elle vers le bar. Elle l'a attrappé par les hanches et bouscule la foule de dents pointues sans ménagement. Il lui faut de l'alcool pour se calmer un peu. Il semblerait qu'elle ne soit pas sortie depuis trop longtemps. L'enfermement a des effets nocifs sur la libido. Avec un très léger tremblement de la voix, elle commande un Sex on the beach et se tourne vers la rouquine : « Tu veux quoi toi ? » Un sourire en coin illumine son visage. La soirée promet.

Jules n'avait pas vraiment de plan pour cette soirée. Elle marchait à l'instinct, à l'impulsion, dans l'instant. Elle ignorait si elle désirait finir sous les mêmes draps que Rose ou dans le lit de sa douce Lolita ; si elle voulait juste danser et jouer avec la belle vampire ; si elle voulait papilloner et abandonner la rouquine au profit du beau brun qu'elle apercevait au fond de la salle... Elle n'avait pas envie de se fixer un but, un itinéraire à suivre. Elle voulait prendre des risques et écouter son côté le plus animal, quitte à déroger ce soir aux règles. Célia n'avait qu'à pas l'abandonner ainsi si elle ne voulait pas que la blonde se permette des écarts. Ainsi, le frisson d'extase qui l'avait parcourue tandis qu'elle dansait avec Rose était la seule chose qui occupait son esprit. Tandis qu'elle la tirait derrière elle en direction du bar, son attention était en grande partie concentrée sur le contact doux de la peau qu'elle touchait entre la jupe et le t-shirt de sa compagne. Arrivée devant la serveuse elle eut beaucoup de mal à interrompre les petites caresses qu'elle avait entamé sur le ventre blanc de la rousse.
Elle tenta de reprendre ses esprits en commandant un cocktail et se laissa faire avec un sourire quand l'autre vampire, s'étant assise sur l'un des hauts tabourets, l'attira à elle. Un gémissement murmuré s'échappa d'entre ses lèvres entrouvertes. Les yeux clos, Jules profitait des sensations incroyables que lui procuraient les petits bisous que dispersait Rose sur son cou. Les claquements secs des deux verres sur le bois du bar la ramenèrent sur Terre, et elle redécouvrit le bruit du Fangtasia et la vue des nombreux corps serrés autour d'elles deux. Avec un haussement d'épaules, elle attrappa le verre et se cala confortablement contre la belle rousse, dos à elle, entre ses jambes. Dans son dos, elle imaginait la petite culotte qu'elle pourrait découvrir sous la jupe si mini que c'en était affolant. Ses yeux clairs se troublèrent un instant avant que le whisky de Rose n'apparaisse dans son champ de vision ; elle leva son verre à la rencontre de celui-ci, observant le jeu de reflet du liquide ambré dans les couleurs du cocktail. Un léger rire répondit au toast de sa compagne : « Aux fêtes et aux rencontres, et à toi surtout ! » Jules porta le verre à ses lèvres et avala deux petites gorgées fraiches.
Elle le reposa ensuite sur le comptoir pour se retourner et se hisser à une hauteur suffisante pour déposer ses lèvres sur celles de Rose. Juste un court instant, une petite seconde, une caresse plus qu'un baiser. Et pourtant, c'était comme si elle avait reçu un choc électrique qui la parcourait entièrement. Elle se réinstalla confortablement dans sa position initiale, entre deux jambes découvertes qu'elle aurait voulu mettre encore plus à nu. Ne pouvant s'empêcher de se mordiller la lèvre inférieure, elle laissa trainer sa main sur le genou de la vampire, hésitant avant de monter doucement ses caresses sur la cuisse offerte. Elle souriait dans le vide, trop heureuse. Le bien-être qui s'emparait d'elle était sans comparaison par rapport à son état ces dernières semaines.
A ce moment, lovée contre la jeune vampire, au milieu de dizaines de vampires et d'humains en sueur, dans l'ambiance feutrée du bar sombre, les soucis politiques qui faisaient rage au dehors étaient le dernier de ses soucis. La tension qui montait lentement mais surement entre les crocs pointus et leurs opposants avait disparu de l'esprit de la blonde, alors que sa colocataire s'employait constamment à lui rappeler combien ce combat était important. Jules, elle, avait toujours préféré rester à l'écart de ces débats. Si elle n'hésitait pas à prôner ouvertement la cohabitation lorsqu'elle croisait des salopards qui voulaient la renvoyer dans son cercueil de façon plus permanente, elle ne s'intéressait pour autant que de loin aux manifestations et autres événements organisés par l'association dont Célia était présidente. Elle n'avait donc aucun scrupule à oublier tout cela pour profiter de la douceur de la peau de Rose, de ses baisers visiblement désireux, du chatouillis que ses cheveux bouclés généraient dans le creux de sa nuque. Après avoir avalé une longue rasade qui avait quasiment vidé son verre, elle se retourna donc de nouveau : « J'ai... faim, » murmura-t-elle presque honteuse à l'intention de sa belle. Elle ne faisait qu'en de rares occasions défaut à son strict régime. Mais ce soir, elle voulait tout, en grand, en énorme. Elle ne voulait pas avaler une seule goutte de TruBlood, bien que le goût de cette boisson lui soit désormais familier et presque agréable. Elle voulait boire à la source, et si possible à proximité de sa Vénus du soir. Pourtant, elle ne l'assumait pas et c'était les yeux baissés et la voix tremblante qu'elle avait prononcé ces mots fatidiques.

Tout en caressant la peau douce des cuisses de Rose, Jules profitait pleinement des sensations qu'éveillaient les baisers de la rousse chez elle. Pour un peu, elle lui aurait arraché cette ridicule jupe en jean pour la prendre là, devant tout le monde ; mais son éducation stricte et pleine de bienséance était inscrite dans sa nature même, et ce même quatre ans après sa transformation et son émancipation du carcan maternel. Elle se contenait donc, les yeux clos, vibrant au rythme des caresses des lèvres de sa compagne. Lorsque ses mains se firent entreprenantes, l'entourant franchement, osant la toucher, elle eut encore un sursaut. Ses instincts premiers la poussaient à tirer les mains de Rose un peu plus bas, juste un peu plus bas. Cette danse de leurs mains sur leurs corps les embrasait visiblement toutes les deux. La blonde se mordit la lèvre inférieure tandis que la rousse l'embrassait au seuil de sa poitrine, laissant une trace de feu dans sa chair. A ce plaisir-là, à ce désir-là, s'ajoutait doucement, pour Jules, une autre envie aussi primaire, mais légèrement plus sauvage quand on était vampire.
Elle se retourna doucement, sans rompre le contact entre leurs corps, et murmura contre l'oreille de la jeune vampire son envie ; sa faim. Se reculant légèrement, elle put clairement voir que cette demande trouvait un fort écho chez Rose. Une étincelle avait brillé un quart de seconde dans ses jolis yeux noisettes, une étincelle qui avait ensuite traversé la frêle jeune femme, parcourant chacun de ses membres. Un léger sourire étira les lèvres roses de Jules avant que la réalité de ce qu'elle venait de réclamer ne la heurte de plein fouet. Elle sentit le sang lui monter au visage tandis que son regard se baissait automatiquement, scrutant le sol sali avec une intensité telle qu'on aurait pu croire qu'elle cherchait à y creuser son trou de petite souris. Aucune honte à avoir, tant qu'on se nourrit sans mettre en danger personne... Tu veux qu'on choisisse quelqu'un ici? murmura Rose à son oreille, en tentant de maintenir le contact visuel en tenant le menton de la jeune femme. Cette dernière continuait pourtant d'avoir le regard fuyant. La situation aurait pu paraître drôle, voire grotesque : c'était comme si le nouveau-né apprenait à son aînée à se nourrir. Si Jules n'avait pas été aussi confuse par rapport à ce qu'elle ressentait, elle se serait probablement révoltée face à cela. Elle était sensée aider la rouquine, pas l'inverse. Mais le feu que répandait Rose dans tout l'organisme de la jeune femme lui faisait perdre ses repères. Elle se contenta de hocher de la tête, comme une enfant perdue dans la foule des grands. Je meurs d'envie de me nourrir avec toi... et puis... après... je te croquerais bien... continua la tentatrice. Jules tressaillit.
Ces quelques mots suffirent à débloquer les derniers verrous de Jules. Une flamme s'alluma dans son regard angélique tandis qu'elle accueillait les lèvres de la belle vampire contre les siennes, goutant à leur goût doux et sucré, retenant une seconde de plus la lèvre inférieure de Rose entre ses dents. Tu veux qu'on choisisse quelqu'un ensemble? La blonde agrippa la main offerte, la caressant tendrement du pouce. Tout comme elle, ses yeux bleus commencèrent à fouiller la piste de danse à la recherche d'une pomme d'Adam attirante. De temps à autre, sa prise se resserrait dans un élan de désir et elle attira Rose vers elle ; elle ne pouvait s'empêcher de se mordiller les lèvres et ne remarqua même pas que ses crocs étaient sortis d'eux-même dans un léger claquement qui s'était perdu dans la masse sonore du Fangtasia.
La muique electro-trash résonnait à ses oreilles, mais paraissait tout à la fois lointaine, comme si les deux vampires se trouvaient dans une bulle rien qu'à elles, qui les coupait du monde extérieur. Les iris rieuses de la blonde se posaient tour à tour sur les corps qui s'offraient à sa vue. Elle remarqua un petit brun qui faisait la cour à une danseuse ; elle aperçut Lolita qui dansait tout contre un gigantesque Vikings aux gestes doucereux ; elle s'attarda quelques instants sur une beauté fatale, toute de noir vêtue, aux lèvres sombres, mais bien qu'elle perçoive l'immense beauté de cette créature, elle la trouvait trop enfouie sous une tonne de maquillage ; finalement, son regard fut attiré par un garçon. Il ne devait même pas avoir vingt ans et il n'avait pas l'air à sa place dans cette pièce dangereusement remplie de vampires assoiffés et de pucelles en quête de sensations fortes. Il était là, avec son baggy noir orné de chaines argentés, et son T-shirt de nerd, un verre à la main, le regard dans le vide. Il était pleinement présent tout en étant ailleurs. Jules attira brusquement sa compagne contre elle et murmura tout contre son oreille : « Celui-là, » tout en le désignant d'un signe de tête. Elle n'avait même pas prit la peine de rétracter ses crocs ou d'éteindre la lueur vorace qui enflammait son regard lorsqu'elle s'approcha de l'inconnu.

La poupée blonde au regard clair reflétant la sérénité d'un ciel de matinée d'été avait totalement disparue. A sa place se tenait une créature à la crinière blonde et au regard langoureux, dévorée par un feu glacial qu'elle voulait partager. Et devant elle se trouvait sa proie ; un jeune homme d'une simplicité alarmante. Même dans son état présent, Juliet restait égale à elle-même et ses goûts ne changeaient pas du tout au tout. Elle préférait de loin cet humain-là, précisément parce qu'il était banal et donc naturel, à toutes les autres poches de sang qui se baladaient autour d'eux, visiblement mués par un seul désir, celui de se faire croquer. Ils déployaient tellement d'efforts pour cela que c'en était parfois presque pitoyable.
Elle laissa à Rose le soin d'aborder l'humain et se laissa entrainer à sa suite vers la piste de danse. Suivant naturellement le mouvement induit par la rouquine, elle se plaça de l'autre côté de leur invité, face à lui. Elle lui sourit avant de se coller tout contre lui tout en ondulant son corps de sirène. Elle sentait le battement sourd de son cœur accélérer comme une flèche, l'adrénaline, l'excitation et la peur envahir ses veines, quelques gouttes de sueur transpercer les pores de sa peau, et elle aimait cela. Elle se serra encore plus contre lui mais enfonça son regard dans les yeux rieurs de Rose. Il n'était là que pour elles, et elles étaient le centre de la soirée. Elle se mordit doucement la lèvre inférieure en sentant un désir impérieux d'embrasser sa compagne. Comme pour la faire patienter plus tranquillement, la musique changea pour se faire plus dansante, plus gaie, et la jeune vampire en profita pour venir se serrer contre Jules. Cette dernière enserra la taille du garçon pour l'empêcher de fuir, avec un sourire en coin, mi-mesquin, mi-malsain.
Tout son corps se raidit face à la proposition de la belle rousse, et un frisson la parcourut à ses derniers mots. Elle hocha méchaniquement de la tête, sans vraiment s'en rendre compte ; c'en était assez des préliminaires. Son sourire se transforma, devint carnassier quand elle reposa son regard sur l'humain. Tout en observant le manège de la séductrice, la douce enfant lui répond doucement, sans se soucier de s'approcher de son oreille. Elle sait qu'elles sont suffisamment proches pour que la musique ne l'empêche pas de l'entendre : « Plutôt chez toi, je pourrais plus m'arrêter quand on aura commencer... » Elle lui fait ainsi comprendre qu'il n'y aura pas de pause entre le sang et le sexe. Juliet lance un regard égaré autour d'elle. Elle est hors de ses esprits, dans un état de semi-transe, elle ne se reconnaitrait probablement pas elle-même. Elle s'en rend compte en croisant son reflet sur des lunettes de soleil portées par une humaine ; mais elle s'en fiche. Elle assume, même, elle a choisi de se lâcher ce soir et elle a suffisement confiance en elle et en Rose. Elles connaissent leurs limites. C'est juste qu'elles ont très envie de les frôler...
Détournant son attention de leur envirronement, la blonde sourit. Le jeune homme est totalement décontenancé. Il n'a probablement – et visiblement – pas l'habitude d'être entourée de deux sublimes créatures telles qu'elles ; des tentatrices, de sublimes jeunes femmes aux courbes douces, les crocs sortis et prêts à pénétrer dans la veine qu'il leur offrait. Le sang qui montait à ses joues le rendait d'autant plus mignon pour Jules, qui avait eut peur un moment qu'il ne soit qu'un vulgaire garçon en quête de sensations fortes. Non, il était aussi timide et égaré qu'il en avait l'air, et cela faisait tout son charme. Tout en maintenant sa grippe sur sa taille, la vampire détacha de lui sa seconde main pour la déposer dans le cou de Rose et lui rendit son baiser passioné. La maintenant tout contre elle, leurs souffles se mêlaient. Elle prit l'initiative d'un second baiser durant lequel leurs langues se croisèrent, occasionnant un nouveau frisson chez la belle blonde. La respiration haletante, Juliet colla son front à celui de son amante et, son regard vissé au fond de celui de la rousse, elle prononça, la voix rauque : « On y va ? Je connais pas le chemin ! » Elle lui adressa un sourire coquin avant d'attrapper la seconde main de l'humain et de se diriger vers la sortie du club.

Quand Rose lui saisit la taille de son bras tendre, agrippant sa hanche de sa main douce, Juliet sentit comme une décharge électrique la parcourir de haut en bas. Cette belle rousse avait un pouvoir inattendu sur elle. Elle ignorait si c'était un effet positif ou négatif, si elle aurait vraiment du céder ainsi à tous ses instincts et se réfugier sous les draps de la vampire ; de toute façon elle ne pouvait plus penser à faire machine arrière désormais. Elle l'avait laissé lui mettre le feu, et il aurait fallu une véritable tempête pour éteindre cela. Tous ses sens étaient accaparés par les sensations que chaque baiser échangé, chaque caresse faite faisait naître en elle. De voir le reflet de son envie dans les yeux noisettes de sa compagne ne faisait qu'augmenter son désir et son excitation.
Du jeune homme qui les accompagnait, elle ne saisissait que les battements de cœur irréguliers et le flux de sang qui lui montait à la tête. Dans un coin de sa tête, elle souriait, narquoise ; mais son visage et sa conscience étaient trop occupés avec Rose pour s'en soucier plus que cela. L'air frais du dehors la fouetta en pleine face lorsque leur trio franchit les portes du Fangtasia sous le regard rieur du videur. La blonde se forçait à garder une vitesse normale pour ne pas semer l'humain au passage, mais alors que son amante pour la soirée lui indiquait qu'ils seraient bientôt à destination, elle ne put s'empêcher de ressentir de l'impatience. Elle était généralement d'un tempérament calme, mais ce soir, semblait-il, toutes les règles qui s'appliquaient habituellement à elle avaient l'air d'être destinées à être brisées. Ainsi elle ne cacha pas une seule seconde la faim et l'animalité de son regard lorsqu'elle dévisagea une nouvelle fois le jeune homme. Elle sourit légèrement, mais ce furent les traits doux du visage de Rose, juste derrière dans son champ de vision, qui captèrent réellement son attention.
Avant qu'elle n'ait le temps de lui faire remarquer à quelle point elle était désirable ; avant même qu'elle n'ait esquissé un mouvement vers sa joue pour la caresser avec un mélange de tendresse et d'excitation ; la jeune vampire s'effaça et fit un geste théâtral invitant son duo d'invités à pénétrer dans son immeuble. En moins de temps qu'il n'en faut pour sortir ses crocs, Jules l'avait suivie, avait monté quelques étages, elle ne savait plus combien, et était entrée dans l'appartement de la rouquine. Elle imita son hôte, laissant tomber son petit sac à main et sa veste au sol, sans y prendre garde, avant d'accueillir avec les yeux brillants un nouveau baiser. Celui-ci était plein de promesses sur ce qui allait désormais se passer. Ses paupières se fermèrent quelques secondes sur ses yeux clairs tandis qu'elle goûtait pleinement la fraicheur des lèvres roses contre les siennes. Puis la rouquine et le garçon disparurent dans la chambre. Jules s'approcha d'un pas hésitant et les observa un moment sans bouger. Elle avait l'impression d'évoluer dans un rêve étrange. Chaque atome de son corps la suppliait de les rejoindre immédiatement, mais elle voulait juste profiter de ce petit instant où l'on connait la suite de la pièce mais qu'on veut tout de même qu'elle se déroule ; cet instant où l'on se projette et où cela ne fait qu'augmenter le plaisir que l'on ressent.
La voix de la vampire la sortit de sa quasi-transe et elle utilisa sa vitesse vampirique pour les rejoindre sur le lit. La gorge nouée, elle se contenta de hocher la tête à la proposition de la tentatrice. Elle n'était pas sure de réussir à parler désormais ; les seuls sons qu'elle arriverait à émettre seraient davantage de l'ordre du gémissement ou du hurlement de bonheur. Elle se pencha au dessus de l'humain, sentant le sang qui coulait à toute vitesse dans son corps, et embrassa Rose. Avant de rompre le contact elle ne put s'empêcher d'attrapper sa lèvre inférieure entre ses dents, la mordant légèrement. Ses crocs sortirent au même moment et elle se pencha vers l'homme anonyme qui leur servait de repas et d'aphrodisiaque. Après un dernier regard dans ses yeux gris et perdus, la vampire planta ses canines dans l'avant-bras de l'humain. Le sang coula d'abord doucement dans sa gorge, l'emplissant d'une sensation de chaleur. Elle releva la tête après avoir doucement lécher les deux petites plaies, afin d'éviter que l'humain ne se vide de son sang inutilement, et déposa un court et léger bisou sur les lèvres roses de la vampire. Elle lui fit un signe de tête, l'invitant à la rejoindre, avant de croquer à nouveau l'inconnu, exactement au même endroit, ignorant ses gémissements de plaisir comme de douleur.